Actualités
Environ 5 minutes
Aug 29, 2024 Publié le 29/08/2024

Arrestation de Pavel Durov : 12 chefs d’accusation, la France fait face à une vague d’attaques d’hacktivistes en réponse

Le 24 août 2024, Pavel Durov, le fondateur et PDG de Telegram, a été arrêté par les autorités françaises à l'aéroport du Bourget. Il faisait l'objet d'un mandat de recherche lancé par l'Office français de lutte contre les violences faites aux mineurs, dans le cadre d'enquêtes visant de nombreuses infractions liées à l'usage de Telegram : fraude, trafic, cyberharcèlement, apologie du terrorisme, blanchiment d'argent, ou encore pédopornographie.

Cette arrestation a suscité une onde de choc dans le monde numérique, car suite à cela, Telegram, connue pour sa protection de la vie privée, pourrait être confrontée à de nombreux défis juridiques et techniques.

Placé en garde à vue dès son interpellation, Pavel Durov a officiellement été mis en examen le mercredi 28 août pour une série de délits, allant de la facilitation de transactions illicites, à la complicité d’acquisition, de détention et de diffusion de contenus à caractère pédopornographique, de l’escroquerie en bande organisée, du blanchiment de crimes et de délits, et de la facilitation de prestations illégales de cryptologie.

Aujourd’hui, Pavel Durov a été remis en liberté sous contrôle judiciaire, avec interdiction de quitter le territoire français.

Qui est Pavel Durov ?

Pavel Durov, souvent surnommé le "Mark Zuckerberg russe", est un entrepreneur connu pour son engagement en faveur de la liberté d'expression et de la confidentialité numérique. Après avoir fondé le réseau social VKontakte, il a lancé Telegram, une application de messagerie chiffrée qui compte aujourd'hui des millions d'utilisateurs à travers le monde.

Pavel Durov, PDG de Telegram

Les accusations

On reproche à Pavel Durov de ne pas avoir suffisamment modéré les contenus illégaux circulant sur sa plateforme, ainsi que son manque de collaboration avec les autorités judiciaires pour enquêter sur ces comportements.

Telegram, avec son cryptage robuste, est souvent perçu comme un refuge pour des activités illicites. Les procureurs affirment que la plateforme a facilité la diffusion de contenu criminel, et rendent Durov directement responsable en tant que PDG. À noter que, dans un récent communiqué de presse du Tribunal Judiciaire de Paris, l'enquête a été officiellement ouverte « contre personne non dénommée », la suite de l'affaire pouvant donc se diriger vers la société en elle-même.

Parmi les chefs d'accusation :

  • Complicité d'administration d'une plateforme en ligne pour permettre une transaction illicite en bande organisée
  • Refus de communiquer sur demandes des autorités habilitées, les informations ou documents nécessaires pour la réalisation et l'exploitation des interceptions autorisées par la loi
  • Complicité de détention de l'image d'un mineur présentant un caractère pédopornographique
  • Complicité de diffusion, offre ou mise à disposition en bande organisée d'image de mineur présentant un caractère pédopornographique
  • Complicité d'acquisition, transport, détention, offre ou cession de produits stupéfiants
  • Complicité d'offre, cession ou mise à disposition sans motif légitime d'un équipement, un instrument, un programme ou donnée conçu ou adapté pour une atteinte et un accès au fonctionnement d'un système de traitement automatisé de données
  • Complicité d'escroquerie en bande organisée
  • Association de malfaiteurs en vue de commettre un crime ou un délit puni de 5 ans au moins d'emprisonnement
  • Blanchiment de crimes ou délits en bande organisée
  • Fourniture de prestations de cryptologie visant à assurer des fonctions de confidentialité sans déclaration conforme
  • Fourniture d'un moyen de cryptologie n'assurant pas exclusivement des fonctions d'authentification ou de contrôle d'intégrité sans déclaration préalable
  • Importation d'un moyen de cryptologie n'assurant pas exclusivement des fonctions d'authentification ou de contrôle d'intégrité sans déclaration préalable

Certaines de ses infractions sont passibles de peines d’emprisonnement de dix ans et 500 000 euros d’amende.


À l'international, les réactions en faveur de la liberté d'expression sont virulentes

L'arrestation de Durov a déclenché une vague de soutien parmi les défenseurs des libertés numériques, certains qualifiant cet acte de « tentative de répression contre la liberté d'expression en ligne » (X). Des figures influentes, telles qu'Elon Musk et Vitalik Buterin (co-fondateur d’Ethereum), ont exprimé leur inquiétude, mettant en garde contre les implications pour l'avenir de la confidentialité et de la liberté numérique.

Telegram s’est également exprimé sur X :

« Telegram's CEO Pavel Durov has nothing to hide and travels frequently in Europe. It is absurd to claim that a platform or its owner are responsible for abuse of that platform. »

Entre les pétitions en ligne de la part des utilisateurs de Telegram et des hacktivistes de la liberté d’expression, la société TON, liée à la cryptomonnaie de Telegram, a aussi lancé une lettre ouverte adressée aux autorités françaises, dans laquelle elle réclame la libération immédiate de Pavel Durov.

En parallèle, de nombreuses opérations « FreeDurov » ont été lancées depuis l’arrestation initiale de Pavel Durov : de nombreuses entreprises et organisations gouvernementales françaises ont été la cible d’attaques DDoS ou de défiguration de leurs sites web. Parmi elles, on retrouve des collectivités, des médias, et des sociétés dans les secteurs des transports et de l’énergie (entre autres).

Cette affaire soulève des questions importantes pour le monde du numérique. Comment concilier la protection de la vie privée avec la nécessité de lutter contre les abus en ligne ? Les prochaines étapes dans cette affaire seront scrutées de près, tant par les régulateurs que par les défenseurs de la liberté d'expression.

Nos dernières actualités